Le contexte politique actuel, pas seulement en France, mais dans toute l’Union européenne, est le résultat de la substitution de celle-ci à la Communauté européenne, en 1993. Le traité de Maastricht qui l’avait instituée avait organisé des transferts de souveraineté des états-nations à des organisations de l’Union européenne, accentués par le traité d’Amsterdam de 1997. Se sont ensuivies des conséquences différentes selon trois catégories de pays membres :
- Première catégorie, le Royaume-Uni. Une des plus vieilles démocraties du monde a refusé d’abdiquer sa souveraineté et a préféré claquer la porte de l’Union européenne ;
- Au fil des élections et des alternances politiques, plusieurs pays ont décidé de résister à cette dissolution des nations dans une technocratie dont la légitimité populaire est, à tout le moins, discutable. Dès l’origine, le Danemark avait rejeté le traité de Maastricht. Il ne l’avait approuvé qu’après avoir, entre autres, été exempté de la monnaie unique et avait conservé son entière souveraineté en matière de politique migratoire. La Suède qui avait adhéré en 1995, avait refusé d’emblée l’euro et un referendum avait, plusieurs années plus tard, confirmé ce refus. On le sait moins, l’euro qui, à l’origine, était imposé à tous les nouveaux adhérents, ne l’est plus et ne l’intègrent désormais que les pays qui le souhaitent. C’est ainsi qu’aujourd’hui, bien que la plupart des états-membres satisfassent aux critères de convergence, il n’y a plus d’élargissement de la zone euro. À ces différents pays, s’ajoutent ceux qui font de la résistance et veulent garder leur souveraineté dans un certain nombre de domaines qui touchent essentiellement à la préservation de leur culture d’origine : la Hongrie, l’Italie, la Slovaquie, la Tchéquie, voire les Pays-Bas, ont rejoint les résistants de la première heure au prix de sanctions, menaces et vexations. Durant dix ans, la Pologne était la figure de proue de ces pays et une alliance à la française entre toutes les nuances des oppositions, a chassé du pouvoir les conservateurs, persécution des médias d’opposition à l’appui ;
- La France appartient à un troisième groupe de pays, ceux qui veulent être des élèves-modèles qui acquiescent, voire devancent, les oukases de la Commission européenne. Mais une telle politique rencontre la résistance de plus en plus forte de la population. La Roumanie n’a pas hésité à annuler le premier tour de l’élection présidentielle de décembre dernier avant d’interdire de candidature le candidat arrivé en tête. En France, on constate que les partis qui ont perdu deux fois de suite les élections législatives, se maintiennent au pouvoir après une campagne présidentielle occultée sous prétexte de guerre en Ukraine et après une précédente présidentielle complétement sabotée par les juges. Et désormais, la candidate susceptible d’arriver en tête est interdite de candidature.
Ce contexte ne laisse que très peu d’espoir d’obtenir une alternance par le calendrier électoral prévu. Cette alternance est pourtant indispensable si l’on veut rétablir la démocratie. En effet, si l’on regarde les décisions prises depuis plusieurs dizaines d’années, il est extrêmement difficile d’en débusquer qui correspondent à des demandes du peuple de France. Qu’il s’agisse de la constitutionnalisation de l’IVG ; du mariage entre individus de même sexe ; de toutes les mesures coercitives prises au nom d’une prétendue défense du climat, comme si des règles allaient modifier la température d’une planète vieille de 4,5 milliards d’années, dont certaines sont mortelles pour notre économie, comme la destruction volontaire et planifiée de l’industrie automobile (cf. Le Figaro du 14 avril 2025 https://www.lefigaro.fr/conjoncture/on-n-arrive-pas-a-rebondir-apres-les-chocs-l-appel-au-secours-de-l-industrie-automobile-europeenne-20250413 ou le Nouveau Conservateur de février 2024 https://lenouveauconservateur.org/rubriques/economie/la-promotion-de-la-voiture-electrique-ou-la-course-folle-vers-labime/ ) ; n’oublions pas la quinzaine de réformes constitutionnelles votées par le Congrès depuis un quart de siècle ou les gadgets dans l’air du temps, comme toute la liste qui précède, avec des ministères sur l’égalité entre les hommes et les femmes, ou la parité dans les conseils d’administration des entreprises. On vient même d’imposer autant de femmes que d’hommes dans les listes de candidats aux élections municipales dans les toutes petites communes. L’objectif non avoué est de donner la main à la technocratie, d’abord du fait de l’impossibilité de constituer de telles listes, ensuite du fait de la conséquence logique, la fusion de communes qui imposera de nouvelles structures administratives. Y a-t-il, dans cet inventaire à la Prévert, ne serait-ce qu’une seule réforme qui corresponde à une demande profonde des Français ? En revanche, celles qu’attendent ceux-ci : en gros, plus de sécurité, moins d’immigration et un pouvoir d’achat moins amputé par la rapacité fiscale, ne figure jamais à l’agenda de quelque gouvernement que ce soit. Pire : lorsqu’on s’est avisé de consulter le peuple directement, on n’a tenu aucun compte du résultat. Évidemment, le referendum de 2005 est célèbre mais celui de Notre-Dame-des-Landes qui demandait l’aménagement d’un nouvel aéroport à Nantes, a subi exactement le même sort. Et lorsque les responsables politiques ne sont pas en cause, ce sont les juges qui interviennent. Au nom de quoi, un juge se permet-il d’interrompre le chantier pratiquement achevé d’une autoroute dans le Lauragais demandée par l’ensemble des habitants et des élus de la région ? si ce n’est par idéologie sous la pression d’activistes d’extrême-gauche.
C’est pourquoi il ne faut pas caresser le moindre espoir d’un quelconque changement à l’issue d’une nouvelle élection présidentielle ou de législatives, qu’elles soient anticipées ou non, même s’il est quasiment certain que l’actuelle législature qui expire en 2029 n’ira pas à son terme. En tout état de cause, il ne faut pas compter sur l’un quelconque des partis au pouvoir depuis plus de quarante ans, pour répondre aux attentes des Français, à commencer par celle de les écouter. La preuve en est qu’après avoir fait semblant de se combattre trois décennies durant, ils gouvernent ensemble, malgré les faux-semblants, depuis huit ans. Cette situation est commune à la quasi-totalité des pays de l’Union européenne qui s’abrite derrière des règles juridiques que, justement, les partis au pouvoir l’ont laissée imposer (cf. Interview de Pierre Rosanvallon dans Le Monde du 12 avril 2025 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/04/12/pierre-rosanvallon-historien-les-juges-incarnent-autant-que-les-elus-le-principe-democratique-de-la-souverainete-du-peuple_6594505_3232.html )
Le peuple de France a perdu sa souveraineté alors même que, selon les termes de l’article 3 de la constitution, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du referendum ». La cause d’un problème ne pouvant être sa solution, celle-ci ne peut provenir ni d’un président légal qui a perdu toute légitimité réelle ni d’un gouvernement qui, par définition, n’a pas de légitimité, puisque largement minoritaire. La seule issue est de se passer de représentants du peuple qui ont failli, pour rendre à chaque citoyen la maîtrise de son destin par l’instauration du referendum d’initiative populaire.
La procédure doit passer par une modification de l’article 11 de la constitution. Celui-ci prévoit le referendum à la seule initiative du président de la République et en ouvre la possibilité « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Ce libellé a été, évidemment, conçu de telle manière qu’un tel referendum soit impossible puisqu’un dixième des électeurs inscrits équivaut à environ cinq millions de signataires. Il est donc indispensable que les Français se mobilisent pour surmonter cet obstacle et qu’ils soient cinq millions à exiger la modification de cet article. C’est, en l’état, impossible.
Mais on peut saisir l’occasion d’une étape intermédiaire. Une commission parlementaire spéciale a voté la suppression des ZFE. Mais après le tir de barrage du ministre de l’Écologie, l’inamovible militante d’extrême-gauche, Agnès Panier-Runnacher, a été efficace. Le gouvernement a profité du désordre à l’Assemblée nationale pour ne pas porter le débat en séance avant les vacances parlementaires. Ce n’est qu’une manœuvre dilatoire qui enterrera le texte qui, en principe, doit être mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 29 avril. Rien n’est moins sûr et il est tout à fait possible que le sujet soit carrément éludé sous prétexte d’encombrement du travail législatif. Il est d’ailleurs utile, sur cette question de la mise à l’écart du parlement, de lire le dernier ouvrage de Benjamin Morel, Le nouveau régime ou l’impossible parlementarisme, qui explique remarquablement comment l’absence de majorité parlementaire permet à Macron de céder à son penchant naturel à l’autocratie et de se muer en vrai dictateur.
Convaincu que le rejet des ZFE en commission ne serait pas suivi d’effet, Alexandre Jardin avait organisé les rassemblements du 6 avril, soutenus par la Fédération des motards en colère, et qui ont obtenu un réel succès dans toutes les grandes villes où ils se sont tenus, ce qui témoigne d’une audience vaste, en rapport avec la sensibilité des Français à cette question. Cela rend tout à fait possible le franchissement de la barre des cinq millions de pétitions. Si les ZFE ne sont pas abrogées, ou pire, si le gouvernement arrive à les maintenir à Paris et à Lyon, il y aura un appel à referendum. Et, une fois qu’un referendum aura pu être organisé de cette façon, la barrière psychologique aura été franchie qui permettra d’atteindre de plus en plus aisément la barre des cinq millions de signatures. Il a déjà obtenu un premier succès en détournant le sigle et en popularisant sa signification en Zones à Forte Exclusion. En tout état de cause, l’objectif à moyen terme est, après l’organisation d’un premier referendum selon ces modalités, de discréditer définitivement la fausse démocratie parlementaire pour rendre la parole au peuple.
La démocratie ne sera rétablie que de cette façon. Il suffit de lire cette interview, décidément très instructive de Pierre Rosanvallon. Car il n’élude pas la possibilité d’organiser des referendum mais pour, aussitôt, la limiter par l’intervention des juges. Il explique, en toutes lettres, qu’on pourrait par, « un referendum, voter pour ou contre l’avortement ou pour ou contre le mariage homosexuel, pas de trancher des problèmes aussi complexes que les retraites ou l’immigration ». Signalons au passage que l’appréciation de la complexité, selon lui mineure, de questions aussi anthropologiques et civilisationnelles que le mariage ou la vie d’un nouveau-né, en regard de la durée de l’activité professionnelle qui, toujours selon le même auteur, serait d’une envergure infiniment plus ample, dénote un matérialisme suprême hors de toute notion d’humanité à un niveau auquel même Karl Marx n’aurait pas pensé.
La seule réponse pertinente sera donc de le prendre à son piège et, au lieu de militer, comme le font par exemple le RN ou certains LR, pour un referendum sur l’immigration, préparer un texte de loi référendaire très précis. Par exemple : « Souhaitez-vous l’abrogation définitive du droit au regroupement familial des étrangers résidant en France ? » ou « Souhaitez-vous l’abrogation pure et simple de tous les accords exorbitants du droit commun entre la France et l’Algérie ? », ou « Souhaitez-vous le rétablissement de la loi Thomas de 1997 instaurant des fonds de pension de retraite ? ». On pourrait aussi demander la dissolution de l’Arcom, après l’avoir renommée Agence de répression et de censure des opinions majoritaires… etc. etc.
Tarick Dali