De manière aussi orgueilleuse qu’hasardeuse, le 13 septembre 2017, la maire de Paris, sa lourde équipe municipale, quelques étoiles sportives en mal de reconversion et des industriels à l’affût de juteux marchés publics ont sablé le champagne : Victoire ! les Jeux olympiques d’été 2024 étaient attribués à Paris. A l’unisson, les médias français ont embrayé, saluant l’exploit. Curieusement, rares ont été les commentateurs français à prendre du recul. L’eussent-ils fait qu’ils auraient noté que Boston, Hambourg, Rome et Budapest, en lice pour l’attribution, s’étaient retirés, certaines villes, comme Boston, depuis des années. Autrement dit, Paris célébrait sa victoire dans une course où elle concourait, seule. Déjà, ces retraits auraient dû alerter les Français. Pour endormir une opinion publique toujours sensible aux trompettes du chauvinisme, il a été aussitôt annoncé que le projet « Paris 2024 » s’appuierait sur « 95% de sites déjà existants ou temporaires », et que le budget tiendrait dans une enveloppe de 6,6 milliards d’euros.
L’enveloppe a depuis grossi et est estimée à 7,3 milliards d’euros. Plaignons Denis Estanguet, président du comité d’organisation des JO Paris 2024, à qui revient d’expliquer que les dépassements budgétaires ne sont qu’une broutille et, qu’au final, tout ira bien. Peut-être. La seule chose certaine c’est que ces dérives budgétaires seront financées par de la dette et d’inéluctables nouveaux impôts.
La démocratie directe aurait pu nous éviter une telle aberration, autrement dit un monument sportif générateur de gabegies, de pots-de-vin, de dettes, de désagréments quotidiens dans les villes où se construisent ces futurs éléphants blancs. Parions qu’entre les mains du peuple, de telles décisions peuvent être empêchées. La Suisse nous permet de vérifier cette affirmation.
Alors que les autorités, tant cantonales (Valais) que fédérales (Conseil national) étaient favorables à l’accueil des JO d’hiver 2026, l’événement, en juin 2018, a été rejeté en votation par 54% des Valaisans. Ils étaient appelés à approuver un crédit d’engagement de 100 millions de francs pour couvrir une partie des JO. La Constitution du Valais fait en effet obligation aux autorités d’en passer par un vote référendaire pour toute décision du Grand Conseil (Parlement) « entraînant une dépense extraordinaire unique supérieure à 0,75% ou périodique supérieure à 0,25% de la dépense totale du compte de fonctionnement et du compte d’investissement du dernier exercice »[1]. Avec une participation de 62,5%, en juin 2018, le peuple valaisan a clairement dit son refus d’accueillir des JO polluants, assortis de gaspillages : « Trois semaines de fêtes, trente ans de dettes ». A Sion, la ville hôte des JO, l’objet a été refusé par 60,9% du corps électoral. Les Milanais écoperont de l’événement, de ses surcoûts et de ses nuisances.
Revenons en France. Est-on bien certain que si les Franciliens avaient eu, eux aussi, la possibilité de s’exprimer sur les JO 2024, ils les auraient accueillis avec la même ferveur et le même enthousiasme que la fine équipe qui, face aux caméras, sablaient le champagne de la victoire. Rincée d’impôts et de taxes galopantes, la population aujourd’hui frappée par les nuisances des « grands travaux » aurait peut-être fait le même choix que les électeurs valaisans. Voilà en quoi la démocratie directe est vertueuse : elle permet au peuple de mettre un frein à la mégalomanie des élus, une mégalomanie dont il nous revient de payer l’addition. Démocratie directe et règle d’or pour ce qui touche à l’endettement sont les deux mamelles d’une société où les citoyens sont non pas aux commandes, mais sont en capacité de les reprendre à tout moment.
[1] Constitution du Valais, 5 décembre 2017, Titre IV, Exercice des droits populaires, Chapitre 1, Droit de référendum.
François Garçon